dimanche

Notation de mars 2010

" Ecrire pour la rue ? Quelles spécificités ? Aussitôt quelque chose se hérisse en moi. J’aime pas ça les spécificités, ça met les gens en boîte, ça enferme, ça restreint. Je ne veux pas être restreinte. Puisqu’il s’agit avant tout d’écrire. Comment je fais ? pourquoi ? Ecrire pour penser, pour mieux comprendre ce qui m’entoure, comprendre pour être le plus libre, comme disait Giacometti. Ecrire et peu importe quoi, car l’écriture est Une : nouvelles, romans, poésie, chansons, contes, théâtre, théâtre de rue, essai… bien sûr que c’est toujours écrire. Dans la solitude du bureau, porte fermée à double tour, ou dans la rencontre avec des corps, des couleurs, des objets…, sur un plateau ou sur une place de village. C’est encore écrire. Juste la langue qui se complexifie, l’écriture qui va au-delà des mots. Avec des images, du mouvement, de la musique, du prévu et de l’imprévu, de l’ombre et de la lumière… Mais c’est encore écrire. Après ce n’est qu'une question d’ajustement, se mettre au clair avec le destinataire, comme un pacte avec l’autre (si j’écris une nouvelle, mon texte répond aux critères du genre ; si j’écris de la poésie aussi,… etc.). Donc si j’écris pour la rue, ben avant tout j’écris. Mais je ne laisse pas « pour la rue » pour autant. Bien sûr que non. Je garde la rue. La rue c’est chez moi, chez nous. J’aime la rue. La rue : un territoire, des gens, une histoire. Et le « pour » avec tout ce qu’il suppose d’adresse. La rue c’est l’écriture plurielle et c’est bon ça, sortir de sa solitude, de ce tête à tête entre moi et moi… Ouvrir grand la porte. Ecrire à plusieurs voix et que chaque voix raconte, et que les voix se tissent les unes aux autres, et que le sens naisse entre ces paroles, ces gestes, ces silences. Avec en plus les voix imprévisibles, celle du public qui vient rejoindre la grande partition et celle de la rue ; car c’est bavard une rue, faut pas croire. Et chacun peut prendre place, hors les murs.
Ecrire pour la rue, c’est ça, écrire pour la surprise de la rencontre, avec des gens, un lieu et des histoires qui traversent la nôtre ; et mordre ensemble sur la réalité."

Françoise Guillaumond

samedi

Notations de janvier 2009

« Autour de chaque canapé, des foyers imaginaires ; quelles traces l’objet peut-il en avoir gardées ? La vie pousse, flot ininterrompu, combat sans espérance. Et pourtant, c’est de cela qu’il s’agit. De déchets. Et c’est cela que l’on voudrait : ramener à la surface la vie qui grouille, les enfants qui se battent, les vêtements qui tombent, les journaux qui se lisent et se froissent et se jettent – avril 45, avril 55, avril 65, avril 75 déjà ?, avril 85, avril 95, avril 2005 et plus – les images qui déferlent, les plateaux repas avec le vin que l’on renverse, le livre lu au tout petit, les rires qui jaillissent, les ongles qui poussent et que l'on est bien obligé de couper, les histoires de déménagement, de séparation, les drames, la dernière fois qu’il s’est assis là, la tenir en suspens. Et que chacun porte en lui un fragment d’histoire qui nous constitue tous. »
Extrait de « Confidences sur canapés », Françoise Guillaumond

vendredi

Notations de décembre 2008

Ma réalité

Je fais certainement de la peinture et de la sculpture et cela depuis toujours, depuis le première fois que j'ai dessiné ou peint, pour mordre sur la réalité, pour me défendre, pour me nourrir, pour grossir ; grossir pour mieux me défendre, pour mieux attaquer, pour accrocher, pour avancer le plus possible sur tous les plans, dans toutes les directions, pour me défendre contre la faim, contre le froid, contre la mort, pour être le plus libre possible : le plus libre possible pour tâcher - avec les moyens qui me sont aujourd'hui les plus propres - de mieux voir, de mieux comprendre ce qui m'entoure, de mieux comprendre pour être le plus libre, le plus gros possible, pour dépenser, pour me dépenser le plus possible dans ce que je fais, pour courir mon aventure, pour découvrir de nouveaux mondes, pour faire ma guerre, pour le plaisir ? pour la joie ? de la guerre, pour le plaisir de gagner et de perdre.
Extraits de "Ecrits", de Alberto Giacometti, Ed. Hermann, 1997

jeudi

Notations de novembre 2008

"On n'a pas besoin de grands sujets, c'est déjà tellement énorme le vivant."
Joël Pommerat

mercredi

Notations d'octobre 2008

"Voilà ce que je crois : le théâtre, la poésie, c'est essentiel mais ça n'est pas grave. Que l'oeuvre importe ne devrait surtout pas nous conduire à faire les importants. A jouer les importants."

In Quel théâtre pour aujourd'hui ?, de Jean-Pierre Siméon

mardi

Notations de septembre 2008

" Entre le personnage qui s'agite en moi quand, acteur, j'avance sur scène et celui que je suis quand j'avance dans la réalité, il y a une différence de degrés, mais au profit de la réalité théâtrale.
Quand je vis je ne me sens pas vivre. Mais quand je joue c'est là que je me sens exister.
Qu'est-ce qui m'empêcherait de croire au rêve du théâtre quand je crois au rêve de la réalité ? Quand je rêve je fais quelque chose et au théâtre je fais quelque chose.
Les évènements du rêve conduit par ma conscience profonde m'apprennent le sens des évènements de la veille où la fatalité toute nue me conduit.
Or le théâtre est comme une grande veille où c'est moi qui conduis la fatalité."

In Le théâtre et son double, Antonin Artaud, Essais.

lundi

Notations de août 2008

"On doit en finir avec cette idée des chefs-d'oeuvre réservés à une soit-disant élite, et que la foule ne comprend pas ; et se dire qu'il n'y a pas dans l'esprit de quartier réservé comme il y en a pour les rapprochements sexuels clandestins. Les chefs-d'oeuvre du passé sont bons pour le passé : ils ne sont pas bons pour nous. Nous avons le droit de dire ce qui a été dit et même ce qui n'a pas été dit d'une façon qui nous appartienne, qui soit immédiate, directe, réponde aux façons de sentir actuelles, et que tout le monde comprendra."

In Le théâtre et son double, de Antonin Artaud, Folio Essais